Tumgik
ecrit-devant-ecran · 5 years
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Mindhunter Saison 2 : No Good Guys
Avant de démarrer, je précise que cet article est rempli de spoilers sur la saison 2 de Mindhunter. Donc, regardez la saison ou lisez à vos risques et périls.
La saison 2 de Mindhunter a plusieurs arcs narratifs qui s’entremêlent et tous ne se résolvent pas à la fin. Mais surtout, ils montrent tous que rien n’est manichéen dans Mindhunter, une qualité qui brise mon cœur d’amoureuse des happy endings mais qui réjouit mon cœur d’amatrice de séries réalistes.
Du côté des tueurs en série, nous suivons l’affaire des enfants d’Atlanta. Tout au long de la saison, nous assistons à la traque d’un homme que Holden est persuadé être noir, mais que tout le monde voudrait blanc au sein de la police et de la mairie. Parce que dire aux gens que le KKK tue leurs enfants, c’est quand même plus facile que de leur dire que c’est un homme de leur propre communauté. Pendant toute la série, le profil de Holden est mis en doute et rejeté par tout le monde, Bill y compris. Pour sa défense, Bill a clairement saisi l’aspect politique de l’affaire et l’importance de bien la gérer pour le bien de l’unité de profilage, contrairement à Holden qui, comme à son habitude, est aveugle à tout ce qui se joue hors de sa petite personne. Et pourtant, autant des fois j’ai envie de frapper Holden pour tenter de rétablir la connexion entre ses neurones, autant cette fois j’étais aussi effarée et révoltée que lui face à cet aveuglement et cette volonté d’attraper un tueur blanc. Et le dénouement de l’affaire m’a révoltée d’autant plus. Comme dans la vie réelle, le tueur est condamné pour deux meurtres, et alors qu’Holden promet aux mères des autres enfants (une vingtaine, soulignons-le) que ça ne s’arrête pas là, on lui annonce plus tard que si, globalement, ça s’arrête là. On a arrêté quelqu’un, on l’a condamné, fin de l’histoire. La justice pour ces garçons ne sera jamais faite et n’a toujours pas été faite. Et le FBI, venu en sauveur, et qui a effectivement fait son boulot et mis hors d’état de nuire un tueur, s’en va en héros et laisse les familles se démerder. Peut-on leur en vouloir cependant ? Ce n’est pas leur décision, pas leur juridiction, ils ont arrêté le méchant, ils doivent aller arrêter les autres.
Le deuxième arc principal est celui de Bill et de son fils. Depuis le début de la série, soyons honnête, il n’est pas clair le petit Brian. Je n’étais pas vraiment surprise d’apprendre qu’il avait participé à la mort du bébé. Mais après tout, Brian est un gamin, et on peut lui accorder le bénéfice du doute quant à ses intentions.  Est-ce qu’on condamne un enfant qui a mis un bébé en croix de la même façon qu’un tueur adulte conscient ? D’un autre côté, si on ne fait rien, ne se transformera-t-il pas lui-même en un de ces tueurs que son père traque ?
Parlant de son père, Bill en prend un sacré coup, évidemment. Et j’aime beaucoup Bill. Mais a-t-il vraiment fait de son mieux avec son enfant ? Face à la situation, il n’en parle à personne et continue son job, ce qui l’amène globalement à ne plus gérer ni l’un ni l’autre. Sa femme Nancy est dans le déni total, ce qui la rend très agaçante, mais elle a aussi raison. Bill n’est pas là pour sa famille quand elle en a le plus besoin. Et on peut comprendre, l’affaire d’Atlanta est importante, il pourrait perdre son job en n’étant pas là, il aime son job, donc il essaie de faire les deux à la fois. En ce sens, il me fait penser à Aaron Hotchner, de Esprits Criminels, qui aime sa famille mais qui aime son job tout autant, et ne peut pas choisir. Alors, comme la femme d’Hotch, Nancy Tench finit par choisir pour Bill. Et j’ai failli pleurer lors de la scène où Bill rentre et voit la maison vide. Mais d’un autre côté, n’aurais-je pas agi comme Nancy dans cette situation ?
Troisième arc, les paniques d’Holden après son craquage de fin de saison 1. J’aurais aimé qu’on s’attarde un peu plus sur cela, parce que les séries ont tendance à négliger les problèmes mentaux de leurs héros. C’était l’occasion de l’explorer vraiment, mais c’est assez rapidement mis de côté. Mais on peut dire ceci : Holden ne semble pas avoir appris sa leçon. Il revient, toujours aussi sûr de lui, arrogant, tendance condescendante, ascendant Sagittaire. Il refuse d’écouter ceux qu’il pense avoir tort, se pose en chef plutôt qu’en soutien, traite les gens comme des idiots. D’un autre côté, quand on a craqué comme lui, redevenir exactement comme avant est un mécanisme compréhensible. C’est un peu du déni, certes, d’autant plus qu’il n’a pas l’air de vouloir consulter un psy (hormis sa discussion avec Wendy, mais elle n’est pas la bonne interlocutrice). Mais c’est une façon pour lui de se raccrocher à ce qu’il sait faire : c’est un excellent profiler. On peut voir aussi son arrogance comme de l’acharnement face à l’aveuglement des gens en face de lui. Il est en mission, donnée par les mères des enfants qu’il a rencontrées (fabuleuse scène d’ailleurs). Et personne ne veut écouter ce qu’il sait être vrai. Alors il se bat, un peu contre tous, pour apporter la justice aux enfants et à leurs mères. Holden est un personnage clivant pour moi, parce qu’il est détestable parfois, mais dans le fond c’est un homme bien. Il montre juste très mal sa passion et a zéro talent dans les relations sociales. L’acteur Jonathan Groff confiait d’ailleurs en interview que tout le monde lui demandait quand il serait révélé que Holden est lui-même un tueur en série, et c’est un peu ce que je me suis demandée aussi parfois. Encore une fois, tout est en nuances de gris, les intentions sont bonnes chez Holden, l’exécution un peu nulle. N’empêche qu’il a raison à la fin.
Dernier arc, et peut-être le plus frustrant, celui de Wendy. Wendy sort d’une relation avec son ancienne prof, qui était une relation très asymétrique, voire un peu toxique. Disclaimer ici : j’ai eu une relation très asymétrique et toxique, avec un homme qui était le premier copain que j’aie eu et qui a donc posé les standards de ce que je croyais être une relation normale. Des standards qui n’étaient pas du tout ceux d’une relation saine, mais n’ayant pas de point de référence, je les ai acceptés comme normaux. J’ai mis des années à m’extirper de cette relation, je gère encore les cicatrices. Je me retrouve donc dans l’arc de Wendy et suis clairement tout sauf neutre. Mais essayons tout de même. Wendy essaie donc de retrouver une relation plus saine, dans un monde qui rappelons-le viens de déclasser l’homosexualité comme maladie et la reclasser en « désordre » ou « trouble ». Arrive Kay, une barmaid qui est beaucoup plus libérée dans son homosexualité que Wendy. Et au début tout se passe bien, mais on sent les problèmes sous-jacents émerger. Wendy compartimente et Kay le lui reproche, lui disant qu’elle n’assume pas et ne vit pas son homosexualité. De manière générale, Kay reproche à Wendy d’être trop complaisante, de s’écraser. Jusqu’au soir où l’ex de Kay débarque avec son gamin et que Wendy écoute aux portes. Elle comprend alors que Kay ment à son ex, et quitte les lieux furieuse. S’ensuite une dispute et la rupture, Wendy reprochant à Kay de ne pas suivre ce qu’elle prêche. Difficile de prendre une réelle position ici. Wendy a raison, Kay prône l’honnêteté mais n’est pas honnête elle-même, mentant sur tous les points de sa vie. D’un autre côté, comme cette dernière le rappelle, elle le fait pour voir son fils, ce qui est une raison largement compréhensible. De la même façon que Wendy compartimente pour maintenir une relation avec ses collègues, Kay ment pour maintenir une relation avec son fils. N’empêche que Wendy est furieuse et conclut par « tu as raison, c’est à propos de moi ». Et c’est probablement là que tout se joue. Wendy se découvre après une relation toxique. De mon expérience, elle rejette tout ce qui pourrait rendre une relation asymétrique, que la chose soit réelle ou simplement perçue. Et peut-être qu’elle sur-réagit face à Kay, mais ça fait partie de son processus de reprendre sa vie pour elle. Et, ironie du sort, elle prend ce qu’elle veut, comme Kay le lui avait demandé plus tôt.
A quoi tout cela mène ? Globalement, à une affaire classée mais pas terminée, un tueur hors d’état de nuire mais des enfants à qui on n’a pas donné justice. Un Bill qui récolte un peu la monnaie de sa pièce mais qui se retrouve laissé seul d’une manière très violente qu’il ne mérite pas. Un Holden toujours angoissé et arrogant, mais qui n’est même pas récompensé pour tout ce qu’il a fait. Une Wendy qui a laissé partir son bonheur parce qu’elle n’est pas prête à faire de concessions, mais qui essaie de réclamer sa propre vie. Pas de happy ending. Pas de blanc ni de noir, juste des nuances partout, qui nous laissent avec un petit goût amer quand le générique arrive. Personne n’a eu ce qu’il mérite.
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ecrit-devant-ecran · 5 years
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Pourquoi regarde-t-on une série? Le cas Supernatural
A l’occasion de la quinzième et dernière saison de Supernatural, qui a débuté mercredi dernier aux Etats-Unis, j’ai décidé d’inaugurer ce blog. Commençons donc par une fin, et une question qui me taraude depuis des années : pourquoi regarde-t-on (ou plutôt, pourquoi regardé-je) une série ?
Supernatural me paraissait une candidate toute trouvée pour réfléchir sur la question, pour une simple raison : il y a deux avis majeurs concernant cette série. D’un côté, ceux qui pensent que le scénario est parti en sucette il y a des années et que la série n’est plus qu’une caricature de ce qu’elle était dans ses premiers jours. De l’autre, ceux qui suivent toujours la série avec passion car pour eux, Supernatural repose avant tout sur des personnages formidables. Et le fait est que les deux avis se tiennent. Un peu d’histoire, et on philosophe après. Supernatural est une série fantastique qui a débuté sur la CW, chaîne bien connue pour ses séries axées sur un public ado/jeune adulte, avec si possible de beaux jeunes acteurs et des formules bien standardisées. Parmi les séries phares de la CW, on compte, The 100, Riverdale, The Vampire Diaries et ses dérivés, et avant cela Gilmore Girls, Smallville, Les Frères Scott ou encore Gossip Girl. Vous voyez le genre. Supernatural a donc débuté en 2006 avec de beaux jeunes acteurs (Jensen Ackles et Jared Padalecki, crush de mon adolescence) et un scenario assez standardisé : les frères Winchester, chasseurs de démons de père en fils, se mettent en quête de leur père disparu alors qu’il traquait le démon qui a tué leur mère des années auparavant. On ajoute à ça des ficelles assez classiques : le père absent et autoritaire, le frère qui a quitté la vie tracée pour lui mais qui y revient par la force du destin, l’autre qui compense un vide affectif en draguant tout specimen féminin, des personnages secondaires hauts en couleurs. Tout est réuni pour le succès, et il est bien au rendez-vous. Les saisons voient se tisser un arc narratif global, ce qui est toujours appréciable. Les deux frères sont alors (SPOILER ALERT) impliqués dans l’Apocalypse. Mais grâce à l’ange Castiel (qui vient s’ajouter au duo en tant que personnage principal), à leur force de caractère, et à leur amour fraternel, les frères Winchester arrivent à stopper l’Apocalypse et enfermer Lucifer en Enfer, Sam se sacrifiant au passage, laissant Dean revenir vers un amour de jeunesse et savourer enfin la vie dont la chasse l’a privé jusqu’ici. Rideau. Rideau ?
Nope. La série était censée s’arrêter là, d’après les plans du créateur Eric Kripke. Mais face au succès, il est décidé d’étirer un peu l’histoire. Sam revient donc des Enfers, et un nouveau Big Bad apparait. Et puis un autre. Et puis un autre. Et c’est là que ça dérape. Chaque saison, il faut un nouvel enjeu, donc on augmente les enchères. Les frères doivent donc gérer, entre autres, l’ouverture du Purgatoire, la chute des anges sur Terre, les Ténèbres en personne, et le retour de Lucifer mais version améliorée. Et alors qu’on pensait avoir touché le fond en allant chercher des méchants dans un univers parallèle, le Big Bad de la dernière saison est le summum du Big Bad “vous reprendrez bien un peu de drama avec votre drama” (que je ne spoilerai pas ici vu les différentes de diffusion US/France). Au milieu de tout ça, on a eu droit à des résurrections, le Paradis qui se révèle être une administration française, les chasseurs de démons anglais, et le fils de Lucifer. Les frères Winchester sont morts plus de fois que je n’ai de doigts, ont été au Paradis, en Enfer et au Purgatoire, et en sont toujours sortis avec une blague. Bref : c’est un beau bordel. Ca fait plusieurs saisons que Supernatural semble avoir abandonné l’idée d’un scenario cohérent, préférant enchainer les rebondissements over the top et devenant, effectivement, une caricature de la série des premières saisons. Les héros créent leur prochain ennemi à force de décisions douteuses, les Deus Ex Machina pleuvent, la série se permet même de devenir meta en propulsant les personnages dans leur propre fiction et fait un épisode crossover avec Scooby-Doo. Yep.
Pourtant, la série a encore des audiences raisonnables : 3.81 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis pour la première saison, 2.07 millions pour la quatorzième, et la saison 12 a par exemple quasiment aussi bien performé que la 5. Les panels SPN aux conventions sont pleins, les acteurs déclenchent des passions, les gens se font faire des tatouages, les fanfictions sont légions. Mais pourquoi, alors que le scénario est bon à lever les yeux au ciel la moitié du temps ? Une réponse assez simple : les personnages.
Il se trouve que Supernatural a des personnages très bien écrits. La série a ses défauts sur ce point, notamment un casting très masculin pas très tendre avec ses personnages féminins. Certains personnages secondaires ont tendance à être un peu caricaturaux (on parle de toi Bobby). Même Sam et Dean parfois sont clichés, si on y pense. Dean n’exprime pas ses sentiments, fronce souvent les sourcils, et drague à longueur de temps ; mais il a le sentiment de porter le monde sur ses épaules, et se sacrifie pour tout le monde à la moindre occasion parce qu’il est comme ça. Sam de son côté, est celui qui est parti de la vie tracée par son père, ne s’est jamais senti à sa place dans ce monde, est torturé de base, et voir le bon en tout le monde jusqu’à la naïveté.
Mais au-delà de ces aspects clichés, Sam, Dean, et ceux qui les accompagnent sont profondément attachants. On a envie de les voir gagner. Supernatural a lâché le scenario parce qu’elle se concentre sur ses personnages, sur leur évolution, et préfère finalement l’humain au surnaturel. Sam et Dean sont, comme le dit la chanson A Real Hero de College & Electric Youth : « A real human being, and a real hero ». Ca fait quinze ans qu’on les voit affronter la mort et l’horreur, sauver des gens et leur redonner espoir, resserrer les liens entre eux, agrandir leur famille, vaincre l’adversité coûte que coûte, et se battre inlassablement dans l’ombre. Dean a enfin accepté qu’il n’était pas responsable de tout. Sam a pris sa place de co-leader au lieu d’être le vilain petit canard. Castiel préférer les humains à sa propre race. Les téléspectateurs les ont vu craquer, se relever, encore et toujours. Ces personnages, et les personnages secondaires qui les accompagnent, sont humains (même ceux qui sont des anges, ou des démons, ou des créatures diverses et variées). Même les « méchants » ont de la nuance, Lucifer ou Crowley en première ligne. Les personnages de Supernatural sont, au fond, comme ceux qui les regardent, ils ont juste des circonstances exceptionnelles. Et donc, chaque fois qu’un nouveau méchant arrive, aussi stupide soit le scénario, on se met devant la saison suivante, parce qu’on veut retrouver ces mecs qui font presque partie de la famille. On veut qu’ils trouvent la paix, qu’ils puissent devenir les gens normaux qu’ils n’ont jamais pu être, on veut les voir un jour sans démon à tuer ou évènement apocalyptique à éviter.
Ce qui nous amène à ma question initiale : pourquoi regarde-t-on une série ? Est-ce parce qu’on veut suivre une histoire bien ficelée, qui nous mène d’un point A à un point B avec quelques détours (format oblige) et se tient, telle un roman ? Ou est-ce parce qu’on veut laisser des gens, aussi fictionnels soient-ils, dans nos vies, et vivre un bout de leur aventure avec eux, comme on accompagnerait des amis pendant un bout du chemin ? Je suppose que cela dépend de ce qu’on cherche, comme toujours. C’est peut-être juste un peu des deux. Supernatural n’est définitivement pas la meilleure série de tous les temps. Mais elle reste passionnante pour beaucoup de gens, qui y trouvent ce qu’ils y cherchent. Peut-être est-ce juste ça qui importe.
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